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Administrateur

Christian Carlier habite l’Alma depuis près de 50 ans. Militant de la première heure, il a connu les premiers projets de rénovation urbaine et s’est engagé auprès des habitants du quartier pour que leurs besoins et leur avis soient pris en compte. Attaché aux valeurs de la démocratie participative, Christian continue à s’investir pour que la parole des habitants soit entendue au Centre Social comme au sein de la Municipalité. Ecoutez-le nous raconter l’histoire du quartier et de ses luttes.

Bonjour Christian. Quelle histoire vous lie au quartier de l’Alma ?

Je me suis intéressé à l’Alma à la fin des années 70. Je suis tourquennois d’origine mais je me suis marié avec une roubaisienne que j’ai rencontrée dans le cadre de nos engagements militants. Nous avons d’abord emménagé à Barbe d’Or puis nous avons acheté une maison rue de France, en 1983. Depuis, nous n’avons jamais quitté le quartier et nous y habitons toujours.

Ce qui m’a fait m’intéresser au quartier, ce sont les luttes collectives qui s’y menaient. A l’époque, il y avait déjà un projet de rénovation urbaine qui a fait l’objet d’une lutte militante à laquelle j’ai pris part. Plus tard, j’ai été Président de l’Association Interquartier de Roubaix, un rassemblement des comités de quartier. Bref, j’ai toujours eu une activité militante qui favorise une forme de démocratie participative. Aujourd’hui encore, je suis conseiller municipal dans l’opposition. Mon engagement dans la vie du quartier a connu des hauts et des bas. La vie nous impose parfois ses priorités. Il y a une vingtaine d’années, j’ai ressenti l’envie de m’investir de nouveau dans les actions du quartier. Je connaissais le Centre Social depuis longtemps et c’est comme ça que j’en suis devenu l’un de ses administrateurs.

Quel regard portez-vous sur le quartier de l’Alma ?

L’Alma est un quartier avec une histoire forte dont il est, d’une certaine manière, toujours héritier.

Dans les années 50 – 60, l’Alma était un quartier dont la population était en grande partie constituée d’ouvriers des usines textiles. Il y avait beaucoup de courées avec des logements insalubres. Dès les années 60, la ville s’est emparée de la question et s’est lancée dans les premiers projets de rénovation urbaine. Très vite, les habitants se sont regroupés et organisés, à la fois pour s’opposer aux projets tels qu’ils étaient conçus mais aussi pour parvenir à se faire entendre et prendre part à la réflexion. Des militants comme ceux de l’Association Populaire Familiale (devenue ensuite la Confédération Syndicale sur le Cadre de Vie) avaient une expérience de revendication sur les questions du logement.

Grâce à ces pratiques collectives, les habitants sont parvenus à imposer un rapport de force. C’est comme ça qu’est né l’Atelier Populaire d’Urbanisme. Des réunions étaient organisées tous les mercredis soir, ouvertes à tous les habitants du quartier. L’idée c’était de permettre à la population locale de discuter avec les autorités municipales et les techniciens mais aussi d’être force de propositions quant au projet de rénovation et d’aménagement du territoire.

Petit à petit, la ville a reconnu le travail et l’implication des habitants. En 77, nous avons abouti à un Schéma d’Aménagement de l’Alma, dont on trouve toujours des traces dans le regroupement de la Résidence Fontenoy, l’école Elsa Triolet, le foyer des personnes âgées et la salle de sport. Les grands axes de revendication, c’était de permettre aux habitants du quartier de rester sur place mais aussi de penser les structures et l’architecture pour conserver un côté collectif, un héritage de solidarité et d’entraide qui avait toujours été présent. Faire en sorte que la rénovation préserve l’esprit du lien social.

C’est dans cet objectif que militants et habitants se sont mobilisés dans ce que nous appelions alors la Gestion ou le Social, avec des outils aujourd’hui disparus comme la Régie Technique, dont le Centre Social est la seule entité à avoir perduré.

Cette histoire est exemplaire à plus d’un titre et je pense qu’il est important d’en garder la mémoire. C’est d’ailleurs ce qui se passe : ici, les habitants se sentent concernés par la vie de leur quartier. Il y a une appartenance forte au territoire et une volonté de participer à ce qui se fait, une capacité à réagir. C’est un peu comme s’il y avait une mémoire de l’action collective, une mémoire des luttes qui perdure malgré le temps qui passe.

Pour vous, quel est le rôle du Centre Social au sein du quartier ?

Le quartier de l’Alma est un de ces quartiers que l’on qualifie de « populaires », avec tout ce que ça représente d’images plus ou moins négatives et aussi d’incompréhensions. C’est à la fois un quartier où les habitants demeurent actifs, mobilisés et dynamiques, un quartier où il y a une vie associative et des initiatives collectives. Mais c’est aussi un quartier où les habitants font face à des difficultés multiples : la question du logement mais aussi celle de l’emploi et un manque de ressources. De ce point de vue, le Centre Social est un acteur de développement social. Il a pour vocation d’accompagner les habitants pour leur permettre de résoudre leurs problématiques et de vivre décemment.

J’ai connu le Centre Social dans les années 80 quand il était encore à l’état embryonnaire. Le fait qu’il ait rebondi à plusieurs reprises et existe encore aujourd’hui est symptomatique de son utilité sur le territoire pour les habitants. Aujourd’hui, le Centre de l’Alma est l’un des plus gros centres sociaux de la ville et l’un des plus vivants sur le territoire.

Que pensez-vous apporter à l’action du Centre Social en tant qu’administrateur ?

A l’origine, le Centre Social était une petite structure. Puis, les habitants du quartier qui menaient des actions pour améliorer le quotidien l’ont investi.

Aujourd’hui, il s’agit d’une structure professionnelle avec des travailleurs sociaux formés et qualifiés. Toutefois, le Centre Social de l’Alma conserve une particularité : il est l’un de ceux où la représentation des habitants demeure la plus forte au sein du Conseil d’Administration. A chaque Assemblée Générale, il y a des habitants qu’on ne peut pas prendre parce qu’on est au maximum statutaire ! Les gens du quartier restent impliqués, tiennent à faire partie du CA et donner leur avis sur l’action du Centre.

Je crois que ce que j’ai le plus envie d’apporter, c’est une vigilance et une prudence. Le Centre Social est une structure professionnelle, forte et très présente sur le territoire, qui existe parce qu’elle est reconnue par ses financeurs. Il doit être attentif à demeurer dans l’accompagnement et pas le « faire avec » ou le « dire à la place de ». Il nous faut développer le pouvoir d’agir des personnes accompagnées et cela passe par le développement de leur parole.

Ce n’est pas parce que les structures militantes qui permettaient l’expression organisée des revendications des habitants n’existent plus dans la forme que l’on a pu connaître, que la question de l’expression d’une parole autonome et collective des habitants a disparu. Au contraire, même ! Il faut s’interroger sur l’importance de l’abstention électorale dans ces quartiers. Donc, je suis attentif à faire entendre et respecter la parole et les revendications des habitants. Le Centre doit préserver l’équilibre nécessaire pour que d’autres initiatives d’habitants continuent à perdurer. Cela doit pouvoir se construire et s’exprimer, ailleurs qu’au Centre Social mais peut-être aussi un peu, grâce à lui.

Dans le fond, que peut apporter un administrateur qui n’est pas un professionnel porteur d’actions et qui n’est pas (ou plus) un usager des services ? Je ne sais pas. Peut-être que je suis le porteur d’une histoire, d’une mémoire des luttes qui ont façonné ce quartier.