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Marie-Agnès Leman a l’Alma attaché au cœur. Demandez donc aux anciens du quartier, ils vous le diront : « Tout le monde ici connaît les Leman ». Engagée dans la lutte pour l’amélioration du quotidien des habitants de l’Alma, elle a marqué l’histoire du quartier comme celle du Centre Social. Découvrons ensemble le témoignage de celle qui fut la première Ecrivain Public du Centre.

Bonjour Marie-Agnès. Pouvez-vous nous raconter l’histoire qui vous lie au quartier de l’Alma ?

Mon mari et moi, nous sommes arrivés à l’Alma en 64. Il était éducateur et il est venu à Roubaix pour créer un club de prévention dans le quartier. Mon mari trouvait que quand on était éducateur de prévention, il fallait vivre avec la population. Donc, on a d’abord occupé un appartement rue des Anges. Ensuite, on s’est installés avenue Frasez.

A l’époque, il y avait beaucoup d’italiens, de belges. Presque tous travaillaient dans les usines textiles. Tout de suite, ce qui m’a frappée, c’est la pauvreté des habitants, l’état des logements. Je ne connaissais pas le quartier et franchement, au départ, je ne savais pas si j’allais réussir à m’habituer. On nous regardait d’ailleurs un peu comme des bêtes curieuses. Les habitants se demandaient ce qu’on était venus faire ici. Finalement, on est resté là plus de 30 ans !

Quand avez-vous commencé à vous engager auprès des habitants de l’Alma ?

Quand on a vu les courées, on s’est tout de suite dit : il faut faire quelque chose !

Un dimanche matin, on a décidé d’organiser une réunion chez nous. On voulait parler de la vie du quartier, de ce qu’on pouvait faire pour l’améliorer et s’attaquer au problème du logement. Il faut bien vous dire que ce n’était pas la même époque. On se faisait passer le mot. C’est comme ça que ça fonctionnait. Eh bien, une quarantaine de personnes sont venues ! Nous-mêmes, ça nous a surpris !

Déjà, les habitants du quartier se sentaient concernés. Ils voulaient s’engager pour faire bouger les choses.

A partir de là, on a commencé l’action sur le logement, on s’est engagés dans les projets de rénovation. On a créé l’Atelier Populaire d’Urbanisme. Christian vous a déjà raconté tout ça. C’est du passé maintenant, c’est assez vieux, mais c’est aussi l’histoire du quartier !

Et le Centre Social alors ?

A l’époque il y avait déjà un Centre Social à l’Alma. Mais il n’était ni très animé ni très accueillant. Il n’y avait aucune activité tournée vers les jeunes. Avec mon mari, on s’est tout de suite dit que c’était une autre priorité et qu’il fallait créer un autre Centre Social.

La rénovation urbaine intéressait beaucoup de monde dans les années 60 – 70. Ca focalisait l’attention de chercheurs, de militants, de gens engagés politiquement. Un sociologue, Olivier Querouil, nous a contactés. C’est lui qui nous a accompagnés dans la création du nouveau Centre Social. Avec lui, on a formalisé un nouveau projet. Il fallait fixer des objectifs, lister des activités, penser à la manière de mettre tout ça en œuvre.

C’est Olivier qui a été le premier directeur du Centre Social. Et c’est Nicole Delforge qui lui a succédé et en a été la directrice pendant près de 30 ans. Au fil des années, la dirigeance s’est organisée, les activités se sont multipliées. On a créé les Ecrivains Publics et j’ai d’ailleurs été la première à exercer cette fonction, ce devait être à la fin des années 70.

Quand on a commencé, on était entre 5 et 6 personnes. Et tout le monde n’était pas salarié ! Sans l’engagement et l’implication bénévole des habitants, tout ça n’aurait pas pu exister. Plus tard, il y a eu le soutien scolaire. A domicile, chez nous, imaginez-vous ! Et puis des sorties, des voyages avec des familles qui ne partaient jamais en vacances. Les années, le temps, ont peu à peu écrit l’histoire du Centre.

Nous étions, pour beaucoup, des gens de bonne volonté mais pas forcément des professionnels. Mais avec le temps, l’activité du Centre s’est organisée. Peu à peu, le Centre Social s’est développé et professionnalisé pour parvenir à sa forme actuelle.

Dans les années 90, j’ai occupé le poste d’adjointe au logement à la mairie de Roubaix. Je suis restée au Conseil d’Administration du Centre mais j’ai pris de la distance avec les actions. En 2014, quand j’ai arrêté mon mandat politique, je me suis réinvestie au sein du CA.

Quel regard portez-vous sur l’action du Centre Social au sein du quartier de l’Alma ?

L’histoire du Centre est liée à celle de la rénovation du quartier. Le Centre Social, d’ailleurs, participait aux activités de rénovation. A cette époque, c’est toute une dynamique de développement qui s’est mise en œuvre. Et c’est encore ce qui fait l’action du Centre aujourd’hui : c’est un outil de développement du quartier.

Les gens qui y travaillent sont des professionnels de qualité qui veulent d’autant plus s’investir qu’ils ont, pour beaucoup d’entre eux, une histoire avec l’Alma. Ils connaissent ce quartier, ils y sont attachés. Leur investissement a presque un caractère personnel et c’est pourquoi ils tiennent tant à voir les gens progresser.

C’est aussi pour ça qu’ils ont fait en sorte de se mettre à leur portée, de les investir dans l’ensemble des actions et des projets. Ici, c’est la clé de tout : la participation des habitants à l’action du Centre et à l’amélioration de leur quotidien.

Pour terminer, un mot sur le quartier de l’Alma ?

Je sais bien qu’il y a des difficultés, de la précarité aussi. Mais quand même, si vous me demandez ce qui caractérise le quartier, je vous dirais : la solidarité. Dans les années 60, comme les gens du quartier étaient très mal logés, la solidarité était presque naturelle et obligatoire. Aujourd’hui, cette solidarité a pris une autre forme mais on voit bien qu’elle persiste dans les actions, même dans la présence des habitants au CA. Ici, les gens vivent ensemble. Ils ne vivent pas les uns à côté des autres mais les uns avec les autres. Tout le monde se connaît.

Moi-même, quand je reviens dans le quartier, je me fais souvent interpeler par des adultes que j’ai connus enfants. Ils se rappellent de moi. Il y a du lien social, un lien entre tous les habitants, un lien entre les habitants et les intervenants. Aujourd’hui, la préoccupation, c’est le projet de rénovation. On sait que beaucoup de logements vont être détruits. Une rénovation, forcément, ça transforme un quartier donc ça transforme les liens. Quand nous avons participé aux premiers projets de rénovation, notre ambition et notre espoir, c’était de permettre une forme de mixité sociale. Ce serait bien qu’on puisse parvenir à en retrouver davantage tout en conservant l’âme et l’histoire du quartier.